Récit de Gaëlle qui a vécu 8 mois en Ouzbekistan. Ces lettres sont des e.mails qui racontent sa vie de tous les jours au pays des coupoles turquoise.
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Lundi 26 mai 2003
Salut mes
cocos
Samedi dernier, je suis retournée dans les montagnes. Cette fois-ci, l'ambiance était toute autre qu'avec la famille traditionnelle de Narguiza. Saad, le directeur de l'agence (un Iraquien si je ne vous l'ai pas déjà dit) et Ziroat, la co-directrice et également ma responsable de stage, partaient samedi dernier à Boukhara pour un quelconque rendez-vous de business.
Ils nous ont proposé d'aller tous ensemble dans les montagnes afin de nous reposer, sachant pertinemment qu'étant tous les deux absents du bureau pendant toute la journée, nous ne travaillerions, de toute façon, pas. Autant officialiser notre journée de glande par une excursion collective entre collègues ! Le tout était aux frais de l'agence, alors pourquoi s'en priver...
Ainsi, c'est une équipée de jeunes, essentiellement, qui est partie se reposer et déguster des chachliks (brochettes de viandes) dans les magnifiques montagnes de Samarkand. Saad et Ziroat étant absents, nous pouvions nous lâcher et faire ce que nous voulions. La journée était organisée par trois personnes.
Lioubov (ce qui veut aussi dire amour en russe) est la responsable du service opérationnel sur place pour les touristes, c'est-à-dire, le service qui s'occupe de réserver les hôtels ou les vols intérieurs ou de trouver des prestataires locaux (guides, conducteurs, hôtels, campements de yourtes, etc.). Au début, je n'aimais pas beaucoup cette femme (50-55 ans) car elle était peu aimable à mon égard ; en fait, j'ai appris à la connaître et elle a une personnalité qui me plait énormément.Elle ne s'embarrasse pas d'hypocrisie et parle de façon brusque. Mais c'est une femme très gentille dans le fond et très drôle ; elle jure en russe comme un charretier, les mêmes jurons que ceux que je poussais dans l'appartement moscovite de la rue Saykina avec Kevin. Ces mêmes jurons qui, pour les russophones, sont très choquants dans la bouche d'une femme. Bref, une femme super sympa finalement. Elle est venue avec sa petite-fille d'environ 4-5 ans, j'ai pu la voir dans son rôle de grand-mère, c'était marrant. Pour l'excursion dans les montagnes, elle s'occupait de compter le nombre de personnes présentes et d'acheter toute la nourriture.
Zaman est un Iraquien également, c'est le cousin de Saad. Il travaille comme comptable, un jeune homme magnifiquement beau, avec des yeux bleu sombre surnaturels. C'est un gars super sympa, fringué à la dernière mode occidentale, on peut donc dire very hype, avec un humour caustique à se tenir les côtes. Il vient d'avoir un petit bébé qui est malade en ce moment, alors il a beaucoup d'inquiétudes, mais il ne le montre pas. Respect... Il parle arabe (normal pour un Iraquien), russe et persan et il nous a chanté une superbe chanson iranienne, un très beau chant, avec une voix orientale comme on en rêve. Lui, s'est occupé de régler tout ce qui était financement de la journée (en bon comptable) et réservation des deux minibus qui nous ont emmenés là-bas. Il a aussi préparé les brochettes de poulet pour tout le monde et les a fait cuire. Il avait passé la nuit précédente à préparer et à faire mariner ses cuisses de poulet dans un jus spécialement fait pour l'occasion. Délicieux ! Il m'a également appris à jouer au jacquet version turque ou ouzbèke. Les règles du jeu sont très proches de nos règles occidentales avec quelques petites variantes. Il a gagné 3 a 2, ce qui est un score relativement honnête : il n'a pas perdu son honneur en perdant face à une femme (en bon musulman qu'il est) et j'ai réussi à gagner 2 parties sur 5, ce qui n'est pas mal pour une débutante (!).
Bekzod travaille dans le même bureau que moi, il est spécialisé sur le marché anglophone. Un garçon sympa et marrant. Au début, je gardais mes distances avec lui, ne sachant trop comment me comporter avec les hommes de ce pays, mais j'ai vite compris qu'ils étaient très évolués et occidentalisés dans cette agence et je parle et plaisante normalement avec lui maintenant. Il a également participé à l'organisation de cette journée C'est lui qui s'est occupé de trouver l'endroit et de nous y emmener. Il est originaire de ces montagnes, quand il était petit, ses parents habitaient à deux ou trois kilomètres de l'endroit où nous étions installés. Nous étions à peu près au même endroit que j'étais avec Narguiza une semaine auparavant. Le village s'appelle Amanqatan, un endroit vraiment agréable.
Bref, une organisation parfaite, nous nous sommes bien reposés et amusés. Nous avons bien mangé, dansé et chanté, on m'a demandé de chanter en français, Suzuki-San a chanté en japonais, Zaman en persan, les autres en russe. Nous avons bu beaucoup de vodka et porté beaucoup de toast, il y avait une majorité de Russes dans l'assemblée, donc ce n'était pas très étonnant...
L'aller et retour dans le minibus étaient sympas. Je me suis même rendu compte qu'il n'y avait qu'un seul vrai Ouzbek parmi nous pendant toute la journée : Bekzod. Les autres ne le sont pas. Zaman est iraquien ; Liouba (diminutif de Lioubov) est russe ; Angelina, sa petite-fille, aussi ; deux autres femmes, comptables également et s'appelant toutes les deux Natasha, sont russes, l'une est venue avec sa fille Katia ; une autre fille, Liena, est russe également, elle est venue avec ses deux fils ; Macha est russe aussi ; Shoista et Narguiza ne sont pas ouzbèkes de souche, elles sont tadjikes en fait ; Floura est tatare; Suzuki-San est japonais ; et moi je suis française d'origine, russe dans l'âme et espagnole (paraît-il) physiquement. D'ailleurs à l'agence également, je me rends compte qu'il n'y a que Bekzod qui est ouzbek, Ziroat étant aussi tadjike et Marouf (notre conducteur, vous vous souvenez, papa, maman ?), je ne sais pas trop en fait, mais j'ai l'impression qu'il ne parle pas super bien ouzbek (ce qui explique pourquoi il se perdait tout le temps en voiture, haha...).
Lors de cette journée mémorable, je me suis même surprise à chanter, de concert avec Lioubov, le tube qui fait fureur en ce moment dans tous les pays russophones de l'ancienne Union soviétique. Il s'agit de la chanson spécialement crée pour le générique de l'émission russe équivalente à notre Star Academy. Ca s’appelle la Fabrique de Stars en traduction littérale. Je connais la chanson car je vois régulièrement l'émission qui passe tous les jours, gentiment invitée par Aziza, la petite ado de la famille, à la regarder avec elle le week-end. J'accepte par sympathie et afin de ne pas froisser l'amitié franco ouzbèke naissante dans cette famille. Je connais la chanson russe alors même que je serais incapable de savoir quelle était la chanson du Star Academy français!